Résumé :
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Alors que, d’ordinaire, la fiction romanesque produit l’illusion du réel, Le roman d’Adam et Ève, fondé sur le constat que nous n’avons en guise de réel que des images, démonte les illusions. Narrateur (le je du récit) et personnages cultivent, chacun selon son mode d’expression – langue, théâtre, photographie, politique – les images sans perdre de vue que ce que nous nommons réalité reste inaccessible. Le réel bien sûr dans le roman comme dans la vie fascine, affleure, cogne – sans gravité lorsqu’une bousculade dans le métro sort le narrateur de ses cogitations ou violemment quand l’horreur des purges staliniennes réduit Igor à l’incapacité de former des images : « Je ne vois rien. Je ne vois qu’un sol de béton gris et froid. Une étendue insignifiante et cependant terrible. » Notre fonction représentative connaît en effet fulgurances, pannes et dérives. Faillible parce qu’elle éloigne du support originel ; elle peut aussi prouver son extrême efficacité en s’en passant et en tirant sa force de l’éloignement. L’impensable peut alors devenir réalité : ainsi la culpabilité de l’innocent, lorsque l’accusé forge lui-même l’évidence de sa trahison. L’inexistence devenir révélation : ainsi Dieu. « Si l’on considère tout ce que son inexistence a produit dans l’histoire des existants, il faut bien reconnaitre qu’aucun de ces derniers n’a jamais pu en faire autant, même les plus puissants. » L’existence est périssable alors qu’images et pensées entrent dans l’intemporel. Certaines s’évanouissent, d’autres ont la vie dure. Au lieu d’être à jamais perdu, le Paradis hante encore les consciences. Le roman d’Adam et Ève est une double enquête culturelle et concrète (sans participation policière mais avec parfois des allures d’espionnage) dont le fil conducteur est le Paradis. Sur la piste de son ami disparu, le narrateur traverse les répétitions d’une pièce de Boulgakov, la lecture de la Genèse, parcourt des livres rares, s’intéresse aux pratiques des Adamites, interroge des gens de rencontre sur la façon dont ils imaginent Adam et Ève – leur représentation est un miroir qui reflète leur image ; le narrateur peut dresser leur portrait – reçoit confidences et informations d’émigrés russes, découvre avec stupeur qu’un Paradis soviétique avait été planifié sous Staline et qu’en cette fin du vingtième siècle un Paradis orthodoxe, sorte de parc d’attraction est en voie d’aménagement. L’ami disparu, photographe, engagé dans un mystérieux reportage dont personne dans son entourage ne connait le but, la destination, ni le commanditaire, serait-il le photographe du Paradis ? Des vestiges du premier, des travaux du second ? Les photographies envoyées au début du voyage – une Ève, un serpent, une substance aérienne, quelque chose comme de l’espace pur – seuls indices, conduisent la recherche dans ce sens.
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