Résumé :
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L'histoire de l'Amérique latine est semblable à un visage couturé dont les cicatrices ne s'effaceront jamais. Ce visage, Mario Vargas Llosa le parcourt de livre en livre, visitant les multiples champs de la littérature avec une réussite qui en fait l'un des écrivains majeurs de notre temps. Son dernier livre, politique, violent et dénonciateur à bien des égards, nous plonge dans le rêve finissant du tyran Rafael Leonidas Trujillo, despote sanguinaire de la République dominicaine entre 1930 et 1961. Il met en scène une avocate new-yorkaise de retour au pays après trente ans d'absence, venue contempler l'agonie d'un père maudit à qui elle veut arracher une parcelle de vérité, quatre révoltés prêts à tout pour assassiner le chef et libérer leur nations, et Turjillo lui-même, tyran finissant, vivant la vieillesse et la perte de ses forces comme une malédiction. Mario Vargas Llosa négocie le difficile exercice de l'ouvrage politique avec brio dans un style très personnel, d'une touchante humanité, montrant la barbarie telle qu'elle peut être, à l'image d'une âme aliénée, geyser mortifère aux éclaboussures de sang. Se refusant pourtant à désigner le dictateur comme un être dont la puissance tiendrait du divin, il fait de Turjillo un homme étrangement commun dont le pouvoir écrasant ne fut possible qu'avec le soutien d'une partie de son peuple, des États-Unis et de sa propre folie. La Fête au bouc est sans conteste un livre remarquable, réussissant le grand écart parfois si difficile à négocier en littérature : être une étude juste et profondément troublante d'une dictature et de son système de fonctionnement, et un récit haletant.
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